avec
DE NOTRE CORRESPONDANT A XIANGGANG
Jean
Laîné-Duchatel nous écrit de Hong Kong où il passe quelques semaines. Il y est au service des entrepreneurs français
acheteurs de « renseignements utiles à leurs affaires ». Xianggang est le nom de la ville en mandarin – ville qui est
officiellement la « Région administrative spéciale de Hong Kong de la
République populaire de Chine ».
Le pain est de plus en plus cher et il n’y aura pas de jeux : le
peuple de Hong Kong – les téléspectateurs qui n’ont pas les moyens de souscrire
des abonnements à des chaînes privées – seront privés des Jeux Olympiques de
Londres. Cela fait suite à la rupture d’accords entre titulaires de droits.
Mais la cause ne serait pas seulement technique et commerciale. Elle serait
politique : Pékin n’a pas trop envie d’encourager ce qu’il a perçu comme
un regain d’anglophilie et que susciterait la profusion d’images de Big Ben, de
la cathédrale Saint-Paul – et du maire Boris Johnson ; il n’y a eu que
trop – des milliers – d’Union Jacks agités
lors de la manifestation du 1er juillet, et les chaînes publiques
ont suffisamment magnifié les cérémonies du jubilé de diamant de la Reine. Tant
pis pour le dommage collatéral : les familles populaires de Hong Kong
seront privées du bonheur d’applaudir les fiers gagnants de médailles d’or de
la mère patrie, au garde-à-vous sur le podium, sous le drapeau rouge quand
retentira dans Londres l’hymne révolutionnaire…
Il est constant que Pékin veille, avec toute la puissance de ses moyens. Le
« Bureau de liaison du gouvernement populaire central dans la région
administrative spéciale de Hong Kong » se trouve dans l’ancien siège de
l’Agence Chine Nouvelle : il représente les autorités de Pékin ; il
est responsable de la coordination avec la « Garnison de Hong Kong de
l’Armée populaire de libération », ainsi qu’avec le « Commissaire du
ministère des affaires étrangères de la république populaire de Chine dans la
région administrative spéciale de Hong Kong ». Et comme de juste, il représente
le « Département du travail de front uni », l’inévitable organisation
de propagande chargée de « gagner les esprits et les cœurs » des
citoyens qui n’ont pas le bonheur d’être membres du Parti (un parti communiste
qui officiellement n’existe pas à Hong Kong). Tout cela sous le contrôle à
Pékin du « Bureau des affaires de Hong Kong et Macao ».
Je me souviens de mon premier voyage à Hong Kong en 1996. J’avais lu les Impressions d’Asie de Bernard-Henri Lévy
et noté les noms des personnages qu’il fallait connaître dans l’île : à
commencer par le maître espion de Pékin, le directeur de l’Agence Chine
Nouvelle (l’agence de presse qui était l’ambassade de facto de la République populaire, et qui est à l’origine de
l’actuel Bureau de liaison), ou le directeur de la succursale de la Banque de
Chine. On m’avait parlé des jésuites de Macao, et même de telles bonnes sœurs
de la ville portugaise, seules capables de comprendre certains dialectes du
sud : à l’époque il n’y avait pas Internet – en tous cas, pas comme
aujourd’hui – et il fallait avoir l’oreille fine pour ne pas se perdre dans les
ondes courtes entre opéras de Pyongyang et lectures des éditoriaux de Granma par la propagande cubaine… Tout
un dispositif qui en partie avait été bien utile pour l’exfiltration des
dissidents pourchassés après les « événements de Tiananmen »
d’avril-juin 1989.
Et le 1er juillet 1997 à minuit, à la fin de la passation de
pouvoir des Britanniques à Jiang Zemin, sous une pluie torrentielle et dans un
ciel illuminé par les feux d’artifice, je voyais le 28e et dernier
gouverneur Chris Patten pleurer quand l’UnionJack
était amenée et lancé à sa place le drapeau rouge aux étoiles d’or. L’emportant
avec le prince Charles qui saluait dans son grand uniforme blanc, le yacht
royal Britannias s’en allait voguer
vers Manille, quittant Victoria Harbour, le port qui avait le premier attiré
l'œil avide des trafiquants d'opium britanniques 156 ans plus tôt.
Jean Laîné-Duchatel
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Jean
Laîné-Duchatel est l'auteur de Confessions de seigneurs - Scènes de la
vie de chasseurs de renseignements aux avant-postes , Editions du Palio,
2012.
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