avec
DE NOTRE CORRESPONDANT A XIANGGANG
Jean
Laîné-Duchatel nous écrit de Hong Kong où il passe quelques semaines. Il y est au service des entrepreneurs français
acheteurs de « renseignements utiles à leurs affaires ». Xianggang est le nom de la ville en mandarin – ville qui est
officiellement la « Région administrative spéciale de Hong Kong de la
République populaire de Chine ».
Le quartier de Tsim Sha Tsui, au sud de
la péninsule de Kowloon et juste en face du port de Victoria, est bien connu de
tous les noctambules cosmopolites. Hélas, leurs lieux de rencontres de
prédilection se font rares : ainsi, le 20 juillet dernier à 5 heures moins
le quart du matin, c’est une institution qui a fermé ses portes – le Club Bboss.
Dans la même classe de high-end night clubs – dont le Bboss était
le plus grand, on disait même le plus grand d’Asie – il reste le Club de
Hong Kong et le Club Paris, mais des rumeurs font état de la
fermeture prochaine de ce dernier. Et sont déjà disparus depuis des mois le China
Town, le Tonnochy Night Club et le China Palace…
Vous souvenez-vous de mon ami Hubert et
de sa nostalgie du renseignement humain à l’ancienne manière ? Et en ce
qui concerne la Chine, de Thomas Lecomte et de son homonyme le « jésuite à
Pékin » : « La Chine est un pays de formalités où les Français, plus que
toute autre nation, ont besoin de flegme, et où tous les étrangers trouvent
matière de patience » ? Rien ne valait ces lieux mythiques pour y rendre
heureux et détendus – en les y laissant abondamment fumer et boire, et en les accompagnant
bien sûr avec force gan bei – les visiteurs chinois du continent. Le
flegme et la patience étaient bien vite récompensés, les langues se déliaient,
les secrets d’affaires étaient éventés… Et c’est pourquoi les night-clubs
étaient les lieux de prédilections des industriels et des financiers, et de
leurs interlocuteurs et contreparties habituels. Etait-ce un hasard si en 1984,
lors de la fête d’inauguration du Club Bboss, avait été invité à couper
le ruban le directeur adjoint de l’Agence Chine Nouvelle – cette agence de
presse particulière qui a été remplacée lors du changement de souveraineté en
1997 par le « Bureau de liaison » du gouvernement central de
Pékin ?
Cette vie nocturne et le genre de
population qui l’anime ont désormais traversé la frontière ; ils se sont
déplacés de Hong Kong vers le continent, là où sont aujourd’hui les usines et
leurs patrons, clients, fournisseurs, banquiers, courtiers de toute nature… Les
connaisseurs y retrouvent le Hong Kong des années 1970 et 1980.
J’ai rencontré l’homme qui m’a fait
toutes ces confidences, à Tsim Sha Tsui évidemment. Mais pas là où vous
pourriez croire : à côté du vénérable et très respectable Peninsula,
au coffee shop de l’hôtel de l’encore plus respectable YMCA !
Cet homme – appelons-le Benny – portait
sportivement une casquette et un maillot aux couleurs olympiques de Hong Kong,
et au milieu de l’après-midi nous buvions du thé vert. Ses collaborateurs
aujourd’hui, même si leur langue natale est le cantonais, parlent mandarin et
anglais, et non seulement ils « savent lever le coude » mais ils ont
de véritables connaissances œnologiques : Benny envoie les meilleurs en
stage à Bordeaux !
Je retrouvai un de mes seigneurs – un
ami et un collègue, puisque qu’au début de ce siècle nous avions travaillé
ensemble pour le grand groupe français du secteur de l’eau dont la filiale
chinoise était à la fois à Macao et à Pékin : pour Benny, le président et
moi étions, comme il disait, sa French connection. Avec qui il avait bu
sa première bouteille de Saint-Emilion – naturellement un Château Cheval Blanc.
Jean Laîné-Duchatel
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Jean
Laîné-Duchatel est l'auteur de Confessions de seigneurs - Scènes de la
vie de chasseurs de renseignements aux avant-postes , Editions du Palio,
2012.
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