Elle l’embrassa et disparut |
11-11-2019 | ||
"A onze heures, Renée reparut, toute prête, des lettres à la main. Elle avait écrit à Houbigant, au tailleur, à Old England pour les tricots, à l’autre fournisseur pour les chaussettes, à toutes ces adresses que Jérôme lui avait imposées comme des textes sacrés, et qui étaient maintenant des étiquettes terribles de la vie de Bardini, il voulut les prendre, assura qu’il allait les porter à bicyclette jusqu’à la gare. Elle refusa. Elle avait à faire à Nogent. Elle lui dit tendrement au revoir, il admira l’ironie du sort qui, quelques heures avant sa fuite, la maquillait en voyageuse et lui en gardien du foyer. Elle l’embrassa et disparut, elle aussi, disparut à bicyclette, si doucement, si naturellement, d’une pente si facile que Jérôme eut l’idée qu’il n’était vraiment qu’un maladroit et que c’était comme cela qu’il fallait partir pour toujours, avec cette suprême aisance… "
Jean Giraudoux, La Première Disparition de Jérôme Bardini, 1926
Jean-Jacques Salomon Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir |
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