L’aspect le plus bizarre
20-10-2019
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"La façade de toutes ces maisons est tournée vers le fleuve, car la Tamise est la grande rue de Londres, la veine artérielle d’où partent les rameaux qui vont porter la vie et la circulation dans le corps de la ville. Aussi quel luxe d’écriteaux et d’enseignes ! Des lettres de toutes couleurs et de toutes dimensions chamarrent les édifices de haut en bas : les majuscules ont souvent la hauteur d’un étage. Il s’agit d’aller chercher la vue d’un côté à l’autre d’une nappe d’eau qui est sept ou huit fois large comme la Seine. Votre œil s’arrête sur l’acrotère d’une maison bizarrement découpée à jour : vous cherchez à quel ordre d’architecture appartient ce genre d’ornement. En vous approchant, vous découvrez que ce sont des lettres de cuivre doré, indiquant un magasin quelconque, et qui servent à la fois d’enseigne et de balustrade. En fait de charlatanisme d’affiche, les Anglais sont sans rivaux, et nous engageons nos industriels à faire un petit tour à Londres pour se convaincre qu’ils ne sont que des enfants auprès de cela. Ces maisons, ainsi bariolées, placardées, zébrées d’inscriptions et de pancartes, vues du milieu de la Tamise, présentent l’aspect le plus bizarre." 
 
Théophile Gautier, Une journée à Londres, 1845