Sur les barricades en ruines
05-10-2019
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"La place du Panthéon était pleine de soldats couchés sur de la paille. Le jour se levait. Les feux de bivac s’éteignaient. L’insurrection avait laissé dans ce quartier-là des traces formidables. Le soi des rues se trouvait, d’un bout à l’autre, inégalement bosselé. Sur les barricades en ruines, il restait des omnibus, des tuyaux de gaz, des roues de charrettes ; de petites flaques noires, en de certains endroits, devaient être du sang. Les maisons étaient criblées de projectiles, et leur charpente se montrait sous les écaillures du plâtre. Des jalousies, tenant par un clou, pendaient comme des haillons. Les escaliers ayant croulé, des portes s’ouvraient sur le vide. On apercevait l’intérieur des chambres avec leurs papiers en lambeaux ; des choses délicates s’y étaient conservées, quelquefois. Frédéric observa une pendule, un bâton de perroquet, des gravures." 

Gustave Flaubert, L'Education sentimentale, 1869