Diagonales : Pénurique
17-06-2017
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Le mot "pénurique" est abondamment utilisé sur les sites web consacrés à l'emploi. On y apprend ainsi que le marché des soudeurs est pénurique. Par-là, il faut entendre qu'on manque de soudeurs. Or "pénurique" ne figure pas dans les dictionnaires. L'Académie française, dont le dictionnaire (9ème édition) a dépassé la lettre P, n'a pas jugé bon de le retenir. On est donc tenté de le bannir. Mais quand on étudie son occurrence sur l'outil Ngram de Google, on constate qu'il apparaît une première fois en 1916, puis une deuxième en 1929, avant de prendre son envol dans les années 1970. C'est donc un mot utilisé, qui mérite qu'on le regarde de plus près.

Qui a eu l'idée de le mobiliser pendant la Grande Guerre ? "Pénurique" fait son apparition dans la Revue de Paris au tout début de l'année 1916. On y lit : "[...] Il n'est pas douteux que la réserve de milliards, qui attendent l'heure de descendre à l'abîme, est plus grosse en Angleterre et en France qu'en l'Allemagne, si fort obérée déjà, gênée dans son commerce, enserrée par le blocus, obligée d'assister la pénurique Bulgarie, la Turquie famélique, et l'Autriche, vouée à la banqueroute prochaine." L'article, intitulé Bonne année, est signé par Ernest Lavisse, le directeur de la revue. Ernest Lavisse est le père de l'enseignement de l'histoire façon Troisième République, en forme de roman national. Aujourd'hui, il pourrait dire que l'histoire est pénurique dans les écoles françaises.

 

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Jean-Jacques Salomon

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