La scène se passe dans l'un de ces nouveaux wagons de métro dont les sièges sont installés le long des parois. Deux voyageurs assis se font face, légèrement inclinés, l'un penché sur un livre traditionnel en papier, l'autre sur un livre électronique. Soudain déboule un troisième homme qui remonte le wagon d'un pas pressé. Les nouveaux wagons de métro ont adopté le style de ceux de New York et de Londres, mais pas leur largeur. Inévitablement, l'homme pressé bouscule les deux lecteurs sur son passage. Les deux livres échappent des mains de leurs propriétaires. Lorsque ceux-ci les ramassent, le bousculeur est déjà loin. Le lecteur du livre traditionnel reprend sa lecture. Celui du livre électronique ne la reprend pas : sa liseuse est cassée.
Voilà peut-être la vraie différence entre le livre papier et le livre électronique. L'un peut résister longtemps aux coups et blessures des hommes et de l'Histoire. L'autre rend l'âme à la première bousculade.
Jean-Jacques Salomon