Episode (V)

SPB

Chacun reconnaissait en effet qu’il y avait comme du génie machiavélique dans le 30-60. La mesure était simple mais ses conséquences dévastatrices. Depuis des années, les transactions interco s’effectuaient en effet sur la base prix standard (SPB) des trente derniers jours. Lorsque le mois avait 31 jours, le SPB du 31 n’intégrait donc pas les mouvements du 30 du mois précédent, de sorte qu’en janvier, mars, mai, juillet, août, octobre et décembre, on pouvait régulariser les prix comme on voulait tout au long du mois. Cela donnait une très grande liberté de manoeuvre, notamment en mars et décembre, qui étaient deux closing importants. En élevant de 30 à 60 jours le SPB, on rendait la manip impossible. Des années d’habitudes avec les clients étaient remises en cause. La concurrence allait s’en donner à coeur joie. Sans doute y avait-il quelques abus ici et là. Mais au total, les VP estimaient que tout le monde sortait gagnant du dispositif. Pourquoi diable le remettre en cause ? On se retourna à nouveau vers Duclos, qui avait l’air de connaître Hugh bien plus qu’il ne l’avouait.

- Pourquoi cette décision, toi qui le connais si bien ce salaud d’Hugh ? Il a des comptes à régler ?
Duclos se souvint alors de ce que Kate lui avait dit un jour, ce devait être à Guam, sur le SOXCP, le process de conformité Sarbanes-Oxley

-La modification de SPB était inévitable avec le SOXCP. Cela devait arriver, répondit-il.

L’argument fut jugé pertinent. Chacun retourna à son écran et téléchargea le modèle de simulation de l’ERP, pour évaluer les conséquences du changement SPB sur sa rémunération et rechercher les nouveaux contournements possibles. On gardait aussi un oeil sur Duclos, qui avait l’air bien décontracté alors qu’il était un de ceux qui, à cause de ses mauvaises performances, serait sans doute le plus affecté par le SSPB, le « Steiner SPB », comme on avait vite qualifié le SPB à 60 jours.