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Un groupe inextricable d'embrassements
01-05-2020
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Nous voici à Chamounix ; la pluie tombe et la nuit s'épaissit. Je descends au hasard à l'Union, que les gens du pays prononcent Oignon, et cette fois je me garde bien de demander l'artiste européen par son nom. Je me conforme aux notions du peuple éclairé que j'ai l'honneur de visiter, et je fais une description sommaire du personnage : Blouse étriquée , chevelure longue et désordonnée, chapeau d'écorce défoncé, cravate roulée en corde, momentanément boiteux, et fredonnant habituellement le Dies irae d'un air agréable. — Certainement, monsieur, répond l'aubergiste, ils viennent d'arriver; la dame est bien fatiguée, et la jeune fille est de bonne humeur. Montez l'escalier, ils sont au n° 13. — Ce n'est pas cela, pensai-je ; mais n'importe. Je me précipite dans le n° 13, déterminé [sic] à me jeter au cou du premier Anglais spleenétique qui me tombera sous la main. J'étais crotté [sic] de manière à ce que ce fût la une charmante plaisanterie de commis-voyageur. Le premier objet qui s'embarrasse dans mes jambes, c'est ce que l'aubergiste appelle la jeune fille. C'est Puzzi à califourchon sur le sac de nuit, et si changé, si grandi, la tête chargée de si longs cheveux bruns, la taille prise dans une blouse si féminine, que, ma foi ! je m'y perds ; et, ne reconnaissant plus le petit Hermann, je lui ôte mon chapeau en lui disant : Beau page, enseigne-moi où est Lara ? Du fond d'une capote anglaise sort, à ce mot, la tête blonde d'Arabella ; tandis que je m'élance vers elle, Franz [Liszt] me saute au cou, Puzzi fait un cri de surprise ; nous formons un groupe inextricable d'embrassements.
 
George Sand, Lettres d'un voyageur, 1837











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Jean-Jacques Salomon

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